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HABITER ENTRE VOISINS

Voilà un projet d'habitat participatif d'un genre plutôt rare, qui a su se réaliser assez simplement et rapidement. Nous sommes entrés en contact avec Sandra et Olivier, l'un des trois couples à l'origine du projet "Habiter Entre Voisins", à la fin du mois de juin, par le hasard des rencontres. Après que nous leur ayons expliqué notre projet, ils nous ont très naturellement invité à venir dîner dans leur jardin. Voici le résumé d'une rencontre aux petits oignons...

 

APERITIF: Visite guidée sur son lit d'anecdotes

Nous sommes arrivés à Bron en début de soirée et avons trouvé sans mal la maison qui abrite HEV, au sein d’un petit quartier pavillonnaire très calme et classique, à première vue assez éloigné de tous services. Pourtant non loin de là, la nouvelle ligne de tramway permet de relier le centre-ville de Bron, puis Lyon assez rapidement. Le lieu semble ainsi offrir le calme et l'espace du milieu pavillonnaire ainsi que le dynamisme et les services de la ville.

Dans cette rue dominée de pavillons très semblables, généralement implantés assez proches de la rue derrière un muret et un portail métallique, la nouvelle copropriété dénote très nettement. Le pavillon des années 60 a presque disparu derrière les différents volumes de l'extension. L'ensemble évoque une imbrication de petites maisons qui pourraient être indépendantes.

La maison existante constitue le noyau central de l'ensemble. Elle abrite les espaces partagés (chambre d'amis, salle commune et buanderie) et dessert les trois logements. Lorsque l'on pénètre dans le couloir de l'immeuble, il se dégage une sensation très agréable mais néanmoins perturbante d'être déjà dans l'entrée d'une maison. Ainsi, les portes d'entrée des différents logements évoquent d'avantage les portes de différentes pièces d'une même maison. Il semblerait que les enfants des trois ménages aient tendance à ressentir la même chose, mais nous y reviendrons plus tard.

Si les trois familles se sont mises d'accord pour habiter les mêmes surfaces (environs 90m² par logement), les formes et les organisations en sont très différentes. Un des appartements est entièrement situé à l'étage de la maison existante. S'il dispose du volume le plus simple et n'a pas de jardin, il bénéficie d'une grande terrasse sur les toitures des deux autres logements. Les ouvertures en façade sud ont d'ailleurs été agrandies pour permettre ce lien avec la terrasse et compenser la disparition d'autres ouvertures à l'est et à l'ouest.

Les deux autres logements sont des duplex dans des volumes neufs réalisés en ossature bois, implantés à l'est et à l'ouest de la maison existante. Leurs géométries sont semblables sans être identiques, preuve sans doute d'une conception véritablement personnalisée. Les salons sont au rez-de-chaussée et donnent sur des petites terrasses. De part et d'autre de l'entrée principale, deux volumes s'avancent pour marquer cette entrée et intimiser les terrasses en rez-de-chaussée. C'est dans les étages qu'on trouvera dans les deux cas les chambres des enfants. Sur les toitures terrasses des étages, trônent d'immenses panneaux solaires qu'il est impossible de ne pas voir et qui sont l'objet de plaisanteries continuelles...« Mais quand, quand vont-ils venir finir l’installation et changer ça ? ».

Les trois familles partagent une cuisine, une chambre d'amis, une buanderie, un jardin frais et ombragé ainsi que, ce soir là, un régiment de pastèques rapportées de Lyon et en vélo par Isabelle, qui se joint à nous. Nous nous installons dans le jardin et entamons cette pastèque en même temps que le récit de leurs aventures...

 

ENTREE: pastèque fraîche et genèse du projet

Sandra nous raconte ses études d’architecture, où elle a commencé à découvrir et à apprécier le concept de l’habitat partagé. Lors de sa dernière année, elle a accompagné un groupe lillois dans la conception de leur immeuble. Le plus dur a alors été, en tant qu’architecte, d’apprendre à ne pas faire à la place de l’autre.

Elle garde en tête l’idée de vivre au sein d’un habitat groupé et intègre quelques années plus tard avec Olivier, son compagnon, le groupe des « Choux Lents ». Il s’agit d’un grand groupe d’une quinzaine de foyers, qui a choisi de créer une coopérative habitante et qui élabore finement un projet assumé en majeure partie par le groupe lui-même et avec l'intention de l'autoconstruire. A cette époque, Olivier et Sandra vivent en immeuble. Après plusieurs rencontres dans l’ascenseur, une amitié naît entre Olivier et Sandra et leurs voisins de palier, Lily et Kevin, qui les accompagnent un soir à une réunion des Choux-Lents. Même s’ils décident finalement de ne pas poursuivre avec ce groupe, ils partagent désormais un intérêt et une envie commune pour un mode d’habitat différent. Alors pourquoi ne pas créer quelque chose ensemble, à petite échelle, à court-terme et qui leur corresponde ? Une autre famille rencontrée à la crèche est intriguée par l’idée, il s’agit d'Isabelle et Richard.

Les trois familles se rendent vite compte de leurs points communs : ils ont tous 36 ans, ont tous 2 enfants dont un de 6 ans, souhaitent vivre en ville proche des transports en commun, avec des espaces partagés et un jardin. Ils partagent aussi le sens de l'humour et une même vision de l'éducation. Ils se lancent alors très rapidement dans le projet, au rythme d'une réunion par semaine de 21h à minuit. Sandra réemploie des éléments de son travail d'étudiante avec les lillois et amène chacun à se questionner sur ses envies, ses habitudes, ses usages. "Comment rentrez-vous chez vous? Voulez-vous voir votre voiture depuis chez-vous? Où sont rangés vos vêtements?"... Autant de questions que l'on n'a pas réellement la possibilité de se poser à l'achat d'un appartement ou d'une maison sur plan, mais qui ont leur importance en particulier dans un habitat que l'on partage avec d'autres.

Ces réflexions et ce travail commun soudent le groupe, qui utilise une bonne partie de son énergie à ce projet. Il faut en effet trouver un terrain, étudier le plan local d’urbanisme pour comprendre les possibilités de bâtir, convaincre une banque ou deux, expliquer à des notaires décontenancés le projet et choisir un architecte. Tout s’enchaîne très vite et après un été, les trois familles entrent de plein pied dans le concret du projet, avec ses obstacles, ses lenteurs et ses joies.

 

PLAT DE RESISTANCE: pommes de terre en tajine et premières esquisses

Toute pastèque ayant une fin, nous passons aux choses sérieuses et retirons du feu où elle mijotait une tajine remplie de délicieuses pommes de terre. La patience et la persévérance sont essentielles pour réussir un bon plat et un habitat groupé, harmonieux, relevé et équilibré !

Le terrain choisi se trouve à Bron, à côté du tramway et comporte une maison, que le groupe décide d’utiliser comme base du projet en l’agrandissant et en poussant les murs. Sandra réalise une volumétrie rapide des possibles, Olivier qui travaille dans le suivi de chantier esquisse un budget : tout concorde ! Sandra présente alors au groupe des amies architectes, puisqu’elle pressent la difficulté qu’il existerait à être elle-même la conceptrice du projet.

La vente du terrain ne peut se faire qu’une fois les plans terminés pour que la copropriété soit créée le même jour que l’acte de vente… Ce qui prend du temps. Le groupe prend le risque d’acheter la maison sans condition d’obtention du permis : si un voisin entame un recours, le permis peut être gelé pour un temps long et mettre tout le projet en danger. C’est pourquoi, les discussions avec les voisins se font avant même l’achat et portent sur des dispositions architecturales satisfaisantes pour tous. C’était un pari risqué mais qui a payé !

La conception de l’extension et de la réhabilitation se passent avec beaucoup de heurts et de malentendus de part et d’autre. Malgré le fait d’avoir choisi des architectes sensibles à la participation, la coopération est cahoteuse, et difficile pour tous. Sandra, qui avait espéré déléguer la conception, se retrouve le nez dans les plans et assume une grosse partie des dessins des intérieurs. En septembre, le terrain est acheté. Kevin étant mathématicien, il calcule pour les notaires les tantièmes de chaque foyer. Autour de la table, personne ne sait comment il a fait pour résoudre ce casse-tête, mais tout le monde lui est reconnaissant. En janvier, le permis de construire est obtenu et les travaux peuvent commencer. D’un accord commun avec HEV, les architectes qui ont beaucoup travaillé sur ce projet, avec difficulté et frustration, quittent ici l'aventure et passent la main pour le suivi du chantier. Le professionnel qui va assurer cette partie est habitué à la construction bois, mais seulement dans le neuf, ce qui crée un léger décalage et de nouveaux malentendus. Des choix difficiles doivent être faits sur des éléments techniques, la ventilation, le chauffage,... et le groupe a des avis différents. Devant les couacs du chantier, c’est au tour d’Olivier d’y passer de très nombreuses heures pour veiller au bon déroulement des opérations.

A la fin du mois d’août, le chantier est fini et tout le monde est totalement épuisé. Lily, qui nous a rejoint à table, ne peut qu’approuver! Psychologue de métier, elle a cherché avec Isabelle, elle-même orthophoniste, des outils pour accompagner le groupe, principalement en communication non-violente. Ainsi, en plus des réunions chaque semaine pendant 2 ans, chacun a travaillé avec sa compétence ou en en acquérant de nouvelles pour que le projet se réalise. Même les enfants n’en pouvaient plus : « vous parlez tout le temps de la maison! Quand on y sera, on n’en parlera plus! ». Après un emménagement qui ressemble à une fête (trois familles le même jour!), chacun a pu se reposer, se recentrer sur sa famille, avant de commencer doucement la vie commune.

 

DESSERT: Tartes aux pommes et cours de la vie

Entre les rires, le coucher des enfants et les discussions, nous arrivons au dessert qui est une belle surprise. Dans une boîte en carton entourée d’un ruban coloré, une succulente tarte aux pommes nous attend et vient finir en douceur le repas et le récit des habitants.

Depuis l’emménagement, les familles expérimentent doucement leur nouvelle vie et ses petits plaisirs. Avoir un soutien en cas de besoin et à portée de main en fait partie, mais aussi les relations qui se sont tissées entre les enfants, à mi-chemin entre la fraternité et l’amitié. Ce lien d’un autre type demande beaucoup de rééquilibrage (non, on n’entre pas chez les voisins sans frapper), de gestion des conflits (il existe aussi une réunion des enfants), d’organisation (le pédibus matinal a ses hauts et ses bas) et d’attention. La coparentalité est un vrai lien qui unit les trois familles. Cela signifie des échanges, des réflexions et des activités communes ainsi qu’une facilité à laisser un autre parent garder son enfant ou même le gronder. Cette fluidité leur permet d’assumer ensemble leur rôle de parents, d’en discuter et de s’entre-aider, sans franchir leurs limites. Chacun poursuit ses efforts pour assurer la pérennité de la cohabitation, en suivant notamment des formations à la communication non violente. Même si leur but est aujourd'hui atteint, Sandra et Olivier continuent de nourrir un intérêt personnel et professionnel pour l'habitat participatif. Olivier suit ainsi une formation à la gestion de projet d'habitat participatif. Nous lui souhaitons bonne chance et bon courage, espérant qu'il sera de cette nouvelle génération de professionnels habitants, et le remercions encore, lui et Sandra, pour ce délicieux repas.

TYPE : COPROPRIETE

LIEU : BRON (69500)

ANNEE : 2012-2014

LOGEMENTS : 3

À PROPOS

Petits Ensembles c'est un voyage pendant 1 an en stop, à la rencontre d'autres manières d'habiter, en Europe et en Asie. 

Vous trouverez ici au jour le jour le récit de notre périple et le résultat de nos réflexions.

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